déi aner et queer.lu ont interrogé des membres de la communauté sur leurs expériences en tant qu’individus queer au Luxembourg. Iels ont parlé de leurs diverses expériences, de leurs joies et de leurs inquiétudes de vivre au Grand-Duché… Si le Luxembourg est réputé pour sa sécurité, cela ne met pas les personnes queer du Grand-Duché à l’abri de la discrimination. Les témoignages suivants racontent des histoires d’espoir, de désillusion et de besoin urgent de changement. En substance, iels suggèrent qu’il reste un long chemin à parcourir pour les personnes LGBTIQ+.

  1. Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être queer au Luxembourg ?
  2. Que pensez-vous du statut du Luxembourg en tant que havre de paix pour les personnes queer ?
  3. Qu’est-ce qui vous a le plus déçu ?
  4. Qu’aimeriez-vous voir changer ?

Elona/ 42 ans/ Travaille à l’Université du Luxembourg :

  1. Le Luxembourg étant un petit pays, il est très facile de connaître beaucoup de gens et les personnes que j’ai rencontrées ici m’ont aidée à créer ce sentiment de communauté. En dehors de la communauté queer [, cependant,] je me sens comme une étrangère.
  2. C’est toujours relatif parce qu’on peut toujours trouver des endroits qui sont pires que le Luxembourg. Mais je pense qu’en tant que personne transgenre, je ne dirais pas que le Luxembourg est un havre de paix. Il y a certainement un manque d’éducation à tous les niveaux.
  3. Je n’avais pas nécessairement beaucoup d’attentes, mais si je regarde les progrès réalisés dans les pays voisins en matière de soins de santé pour les personnes transgenres et que je les compare au manque de soutien dans les universités ici, je me sens vraiment déçue.
  4. J’aimerais que les personnes transgenres se sentent plus en sécurité, c’est-à-dire qu’elles se sentent en sécurité lorsqu’elles vont chez le médecin, qu’elles reçoivent des soins de santé et qu’elles ne se sentent pas obligées d’aller voir un psychiatre. Le fait d’être trans n’est plus considéré comme une maladie mentale, mais au Luxembourg, la procédure suppose toujours que nous sommes potentiellement des malades mentaux. La CNS rend l’accès aux soins plus difficile pour les personnes [trans]. Il n’y a pas de reconnaissance de la non-binarité. […] Les lois ne progressent pas. […] La réalité est que [le Luxembourg] est très conservateur, que ce soit dans les mentalités ou dans les politiques publiques.

Noni/ 29 ans / Instructeur.ice de yoga :

  1. Cela a toujours été synonyme de confort. Je me sens à l’aise en tant que moi-même, non seulement en tant que personne queer, mais dans presque tous les aspects. Je me sens vue et je me sens bien dans ma peau.
  2. Je peux le croire parce que je me sens moi-même plus en sécurité ici en tant que personne queer et en tant que personne de couleur […] grâce à la diversité qui m’entoure.
  3. Le Luxembourg est une zone de transition pour beaucoup de gens, qui ne font que passer […]. Le sentiment d’appartenance à une communauté n’est pas le même que dans mon pays d’origine [l’Inde]. […] Nous sommes si nombreux.ses et peut-être que, comme moi, beaucoup de gens se sentent à l’aise ici, mais ce serait bien de rassembler tout le monde.
  4. J’aimerais que l’on mette davantage l’accent sur la création d’une communauté libre et accueillante, où, même si les gens ne font que passer au Luxembourg, iels ont le sentiment de pouvoir toujours revenir et d’y avoir leur place.

Ahmed/ 22 ans/ Étudiant à l’université en littérature anglaise :

  1. Je partage [ouvertement] ma sexualité avec les Luxembourgeois.es, mais mon passé [de réfugié] est différent, ce qui me donne l’impression d’être une personne homosexuelle au second degré au Luxembourg.
  2. À l’époque, lorsque j’étais en Irak, je voyais sur les médias sociaux que les Luxembourgeois.es se rendaient à des événements de la Pride et qu’iels en étaient tous fièr.es. Je voyais cela comme le pays de la liberté, comme le paradis. Et je me suis toujours imaginé là-bas. Mais quand je suis arrivé ici, j’ai été choqué parce que ce n’était pas le cas. C’est peut-être bien développé pour la sécurité de la communauté. Mais je ne pense pas que ce soit encore là où ça devrait être.
  3. La société luxembourgeoise, tout comme ma société d’origine, a encore des stéréotypes et des clichés à l’égard de la communauté queer. Je ne m’attendais pas à cela.
  4. Je pense que j’aimerais que davantage de personnes soient informées sur la communauté queer, y compris au sein de la communauté. Nous avons parfois tendance à penser que si vous êtes queer, cela signifie automatiquement que vous êtes libéral en ce qui concerne vos idées et que vous acceptez tout le monde. Mais ce n’est pas le cas, […] Je pense que les personnes trans et non binaires ne sont pas bien comprises par certains membres de la communauté queer et par d’autres membres de la société.

Ernest/ 18 ans/ étudiant :

  1. Je pense que pour moi, être queer au Luxembourg, c’est être caché. […] Je fais partie de quelques groupes, comme un groupe trans – parce que je suis trans – mais je n’ai rencontré que quelques personnes par ce biais [et il n’y en a pas dans mon école…]. Donc, pour moi, […] je pense que je dois cacher que je suis queer. [Et] je n’aime pas vraiment en parler parce que j’ai peur de mettre les gens mal à l’aise.
  2. Ce n’est pas vraiment un havre de paix, on ne se sent pas vraiment en sécurité quand on se promène au Luxembourg. On se sent parfois représenté en voyant des drapeaux autour de soi ou en voyant des gens qui en parlent.
  3. Mon école a essayé de mettre en place des toilettes neutres et pour moi, c’était la chose la plus normale qui soit, mais tellement de gens étaient contre. Je crois que 80 % des gens ont dit qu’iels ne voulaient pas de toilettes neutres parce qu’iels avaient peur. [Bien sûr, il peut y avoir des raisons d’avoir peur, mais si elles ont peur à cause des personnes transgenres, ce n’est pas valable. Cela m’a vraiment déçu parce que j’ai moi-même du mal à aller aux […] toilettes pour hommes parce que j’ai l’impression qu’ils vont le découvrir et qu’ils vont me mettre à la porte. Des toilettes neutres me rassureraient et me permettraient d’aller aux toilettes à l’école.
  4. J’aimerais que le regard des gens sur les personnes queer change au Luxembourg. La culture Internet doit également changer en ce qui concerne les personnes LGBTQ+, car de nombreux jeunes sont constamment sur TikTok […] ; et il faut également davantage d’espaces réservés aux personnes queer au Luxembourg.

Lisa/ 31 ans/ Assistante en librairie :

  1. Le Luxembourg est un endroit sûr pour les personnes queer. Mais ce n’est pas si simple pour autant. Les gens ont tendance à comparer le Luxembourg à d’autres pays et, évidemment, nous avons de la chance d’être ici, mais il y a encore beaucoup de problèmes [ce qui me rend triste et en colère].
  2. C’est une situation délicate parce que c’est un endroit sûr et [en même temps] il y a des problèmes. Nous sommes donc à la fois reconnaissant.es et désireux.ses que les choses changent.
  3. Ma femme et moi avons décidé il y a deux ou trois ans d’avoir un enfant et cela a été assez compliqué […] pour obtenir toutes les informations, tout d’abord. Il est très difficile de savoir où demander et quoi demander. Toutes les questions juridiques et la chose qui m’a le plus déçue, c’est que j’ai dû adopter mon fils, ce qui était non seulement coûteux, mais aussi difficile d’un point de vue émotionnel. J’étais là depuis le début, c’était donc difficile.
  4. [J’aimerais] que les futurs couples de lesbiennes n’aient pas à passer par une procédure d’adoption et que les choses soient plus simples et plus accessibles pour elles.

Lily-Rose/ 18 ans/ Lycéenne :

  1. Les Luxembourgeois.es font semblant d’accepter notre queerness. La plupart du temps, iels ne vous diront pas directement qu’iels pensent que c’est bizarre, mais cela se voit dans leur façon de parler.
  2. Je pense qu’iels aimeraient prétendre qu’iels sont ouvert.es aux personnes queer, et iels le sont, dans une certaine mesure, parce qu’il est plus sûr d’être queer au Luxembourg que dans beaucoup d’autres pays, mais ce n’est pas parfait. [Je veux pouvoir marcher dans la rue sans me sentir mal à l’aise si je tiens la main de ma petite amie, et sans être regardée par les hommes d’une manière grossière [fétichisante]. Je peux être bisexuelle sans être l’objet d’un homme. 
  3. Les personnes [queer] sont déçues parce qu’on leur montre une illusion où la vie est censée être parfaite au Luxembourg. On nous dit que nous n’avons pas à nous inquiéter d’être queer au Luxembourg, mais, à mon avis, nous ne sommes pas en sécurité.
  4. [J’aimerais que les choses changent] à l’école. Beaucoup de garçons sont très [ queerphobes] et les professeur.es ne disent rien. On entend des insultes en classe et […] il n’y a aucune répercussion. Vous pouvez dire les pires insultes et personne ne dira rien.

Annette/ 56 ans / Travaille à la CFL :

  1. Le fait d’être queer me permet enfin d’être qui je suis et de me représenter comme la femme que je suis. [Je me sens vraiment bien de faire partie de cette belle communauté au Luxembourg.
  2. Je pense que, comparé à d’autres pays, le Luxembourg doit être l’un des meilleurs endroits au monde. […]. Tout cela est dû au fait que l’ancien gouvernement était assez ouvert. Certain.es de ses membres étaient même queer, ce qui était une bonne chose. Iels ont voté la nouvelle loi sur la reconnaissance du genre, dont j’ai beaucoup profité, comme beaucoup d’autres personnes. […] Notre société semble ouverte d’esprit, mais voici les expériences que j’ai faites lors de mon propre coming out. […] J’ai remarqué que presque tout le monde était extrêmement tolérant à mon égard.
  3. Bien sûr, tout n’est pas parfait. Dans le cas du Luxembourg, il doit y avoir quelques personnes à l’esprit étroit qui souffrent de préjugés et qui n’aiment pas les personnes queer. […] Les gens ont encore besoin d’être mieux informés.
  4. Nous devrions garder un œil sur ces personnes à l’esprit étroit. Ces personnes ont du pouvoir parce qu’elles peuvent voter aux élections. Il y a un parti qui n’est pas du tout favorable aux personnes queer. Et iels voteront pour eux. Et dès qu’un parti comme celui-là sera au gouvernement, les choses ne seront pas si bien que ça.

Dusan/ 46 ans/ Travaille comme stratège politique :

  1. Ce fut un parcours intéressant parce que, pendant que nous avons vécu au Luxembourg, nous sommes aussi devenus parents. Mon partenaire et moi avons eu un fils il y a environ deux ans et demi. Nous nous sommes donc retrouvés non seulement à être queer au Luxembourg, mais aussi à être des parents queer. Je pense qu’il s’agit d’un sous-ensemble encore plus petit d’une minorité déjà existante. Le défi devient encore plus grand lorsqu’il s’agit de trouver d’autres parents queer dans les environs pour former une communauté.
  2. Le Luxembourg est un havre de paix, oui. [Mais] je pense qu’il y a encore du chemin à faire pour améliorer le cadre juridique dans certains domaines […]. Il y a encore du travail à faire pour parvenir à une véritable acceptation et à une pleine intégration en tant que membres égaux de la société. 
  3. J’ai été confronté à un double défi, car d’une part […] vous voulez rester homosexuel et être un bon parent dans le monde extérieur, mais d’autre part, au sein de la communauté queer, vous voulez dire « Regardez, nous sommes toujours gays… » [même si nous pourrions être perçus comme correspondant à une norme plus hétéronormative en raison de notre statut de parent]. 
  4. En termes de cadre juridique, il pourrait y avoir plus de certitude quant à la manière dont la parentalité est reconnue. […] Et je pense que ce que nous pouvons faire de plus en tant que communauté, c’est développer un sens de la communauté […] que nous soyons parents ou non. 

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