Cela faisait deux jours que j’étais arrivé dans le 1er arrondissement de Vienne, l’« Innere Stadt » comme ils l’appellent, pour aller à sa rencontre. Le cœur de la vieille ville respire l’élégance intemporelle. Les rues pavées chuchotent l’histoire sous les façades imposantes. À mon arrivée, l’air était chargé de promesses de bons moments, et il devenait de plus en plus attrayant en sa présence. Je ne savais pas encore que j’allais tomber amoureuse d’une incroyable femme Capricorne que j’avais rencontrée à Amsterdam un mois auparavant. Elle était membre du conseil d’administration de mon entreprise, avait 12 ans de plus que moi et était absolument magnifique. Ses racines kiwis donnaient à sa peau une teinte caramel. Une peau qu’elle recouvrait en partie de tatouages tribaux néo-zélandais qui mettaient en valeur sa chevelure rousse et courte.

J’avais 21 ans et j’étais hétéro – à ma grande naïveté – lorsque je l’ai vue pour la première fois, et le concept de « coup de foudre » est passé d’un mythe à une réalité plus proche. Un mois plus tard, dans la plus pure tradition lesbienne, je traînais ma valise dans son appartement. Un vélo était accroché au mur et ce n’était que le début de toutes les façons dont elle allait me surprendre. Après une journée de tourisme et de rires, nous avons finalement couché ensemble.

Un jour après avoir plongé dans les eaux queer, mes voyages m’ont amené vers de nouveaux sommets.

Le soir venu, nous nous sommes allongées dans le lit, feuilletant quelques magazines sans intérêt, dont le contenu est destiné à être oublié, tandis que les moments qui ont suivi se graveront dans mon esprit pour toujours. Nos corps dansaient, une danse intime, féroce et tendre à la fois, quand tout à coup, alors que je grimpais l’échelle de la jouissance, une poche d’extase a éclaté, déversant des vagues chaudes d’énergie dans tout mon corps, m’ouvrant la poitrine, m’adoucissant partout, quand j’ai inopinément fondu en larmes. D’une respiration à l’autre, ce qui était une montée de plaisir est devenu une chute incontrôlable dans une sorte de vide.

J’avais l’impression d’avoir bu un cocktail de soulagement, de tristesse et d’émerveillement. En apparence, cela ressemblait à une énorme libération, comme les vannes d’un barrage qui s’ouvrent pour la première, pour libérer un flux longtemps attendu. Mais plus profondément, son contact avait débloqué quelque chose d’enfoui en moi, quelque chose dont j’ignorais l’existence jusqu’à ce qu’il se libère. Je n’avais pas réalisé à quel point j’avais besoin de partager mon intimité avec quelqu’un qui me voyait vraiment, et de ressentir tout ce que j’avais tenu caché. Le chagrin d’avoir laissé entrer en moi des hommes qui ne me respectaient pas. La douleur de n’avoir jamais été touchée d’une manière qui m’ait fait sentir que j’étais vraiment vue ou appréciée. Mais aussi des larmes, non pas de tristesse, mais d’admiration, comme si mon corps se souvenait enfin de sa valeur.

En un sens, j’étais véritablement rentrée à bon port.

Il n’est pas rare de rencontrer des personnes ayant vécu des expériences post-coïtales similaires, mais personne n’en parle vraiment. Voici donc mon point de vue sur la question:

LA DÉCHARGE

Sur le plan psychologique, le sexe peut agir comme une catharsis, une porte d’entrée pour les émotions enfouies au plus profond de soi. Dans cet espace, les murs de la répression émotionnelle peuvent s’effondrer, permettant aux larmes de couler comme une forme de libération apaisante. Les sentiments de stress non résolus peuvent remonter à la surface dans les moments d’intimité, surtout pour celleux qui ont tendance à réprimer l’expression de leurs émotions dans la vie quotidienne. Le sexe sert alors de récipient parfait pour la décharge, une réinitialisation énergétique.

LA GRATITUDE

Le sexe est davantage une question d’acceptation que nous ne le croyons. Dans sa forme la plus profonde, il s’agit d’un acte d’abandon.

Oubliez ce que la culture de la drague nous fait croire, il y a quelque chose de profondément touchant dans le fait de faire confiance à quelqu’un.e pour vous emmener là où le sexe vous emmène. Là où vous lâchez prise sur le contrôle de vos facultés, et où toute expression brute et chaque sécrétion corporelle est acceptée, où les désirs peuvent être vécus sans aucune restriction.

Comment ne pas pleurer devant l’expérience unique d’être pleinement vu.e et libéré.e. Chaque cellule de notre corps se délecte de cet acte de confiance, de gratitude et d’admiration. Un trésor pour les mains qui cherchent. Pleurer après un rapport sexuel témoigne de la vulnérabilité inégalée de l’intimité. Être profondément vu.e et en sécurité dans les bras d’un.e autre est une expérience profonde.

LA TRISTESSE

Les larmes après un rapport sexuel sont parfois liées à l’impact de la rechute vers un niveau bas familier après l’apogée de l’orgasme. Un retour à une ligne de base qui, pour beaucoup, est malheureusement assez basse. C’est une descente de l’euphorie vers la banalité de la vie, une confrontation inévitable avec la réalité qui nous oblige à faire face à la fragilité de notre existence.

À un autre niveau, l’abandon nécessaire pendant les rapports sexuels – l’acte de se laisser vraiment aller – comporte un sens inhérent de perte qui peut évoquer la tristesse. S’autoriser à être vulnérable, à se défaire de ses défenses et à laisser tomber les couches de contrôle auxquelles nous tenons tant, est à la fois libérateur et désarmant. Dans ce moment d’abandon, nous renonçons non seulement au contrôle, mais aussi aux barrières protectrices que nous utilisons pour nous protéger du monde.

Connu en français sous le nom de « dysphorie post-coïtale », ce phénomène peut être profondément émotionnel, physique et existentiel. Dans ce contexte, pleurer après un rapport sexuel devient une expression naturelle de la profondeur et de la complexité d’une telle expérience. C’est le moyen pour le corps et l’âme de traiter à la fois la joie et le chagrin de l’abandon.

L’expression française « la petite mort » fait généralement référence à l’orgasme lui-même, mais elle rend bien compte de la qualité existentielle de cette expérience. L’orgasme est un moment d’abandon, une dissolution temporaire du concept de soi tel que nous le connaissons et du contrôle que nous exerçons sur notre être, une perte relative de conscience.

Après avoir atteint un tel paroxysme, les larmes peuvent en réponse à la nature éphémère du moment, un rappel doux-amer de notre mortalité, de la fragilité de la vie et de la beauté de tout ceci.

LA BIOLOGIE

Au niveau biologique, une véritable danse s’opère entre l’ocytocine, les endorphines et la prolactine, des hormones qui inondent le corps pendant et après les rapports sexuels. Ces substances neurochimiques sont responsables des sentiments de connexion, de relaxation et de satisfaction, mais elles peuvent aussi nous rendre plus vulnérables et plus ouvert.es, déclenchant ainsi un déversement d’émotions.

L’orgasme déclenche une poussée de dopamine dans les voies de récompense du cerveau, produisant un plaisir euphorique intense. Cependant, lorsque le niveau de dopamine tombe en dessous du niveau de base après l’orgasme, des sentiments de dépression, de manque d’énergie et d’inconfort émotionnel peuvent apparaître, un peu comme lors du sevrage d’une drogue. En outre, la désactivation des centres émotionnels tels que l’amygdale pendant l’orgasme peut permettre à des émotions profondes, souvent refoulées, de remonter à la surface juste après l’orgasme.

La montée en puissance de la prolactine suit, procurant un sentiment de satiété sexuelle et inhibant toute nouvelle pulsion sexuelle. Ce changement neurochimique explique en partie pourquoi les gens peuvent avoir le cafard après un rapport sexuel, car la prolactine inhibe les voies de la récompense qui ont été activées pendant l’acte sexuel.

De plus, une diminution de l’activité des récepteurs androgènes, qui contribue à son tour à une baisse de la dopamine, amplifie la chute émotionnelle, ce qui peut déclencher des larmes, le corps passant d’un état d’excitation accrue à un état plus calme et réfléchi.

Pleurer après un rapport sexuel est un pont entre l’excitation et le calme. Les pleurs aident à réguler les émotions en libérant des hormones de stress comme le cortisol par les larmes, en réduisant la tension physique et en activant le système nerveux parasympathique pour induire un sentiment de calme, soulager la tension et finalement ramener le corps à un état d’équilibre.

Finalement, pleurer après un rapport sexuel est une reconnaissance profondément humaine du paradoxe de l’intimité, de sa capacité à nous rendre à la fois joyeux.ses et tristes. En normalisant les pleurs comme l’une des facettes du sexe et de l’intimité, nous affirmons leur beauté brute et nous embrassons notre humanité commune. Le sexe n’est pas seulement un acte de plaisir, mais un échange transformateur.

 

Article traduit de l’Anglais.