Lorsque nous parlons de la communauté LGBTIQ+, qui imaginons-nous ? L’image évoquée peut fortement varier en fonction de la personne interrogée. Toutefois, les réponses divergentes font ressortir une observation importante : Il n’y a peut-être pas une seule communauté LGBTIQ+, mais plutôt de nombreuses communautés différentes avec leurs propres expériences. Bien que le Luxembourg soit un petit pays, notre Grand-Duché abrite de nombreuses communautés différentes qui, selon certaines des personnes interrogées, risquent de rester cachées derrière un grand arc-en-ciel. queer.lu a entrepris de s’entretenir avec certaines de ces communautés au sein de la communauté pour en savoir plus sur la solidarité collective au Luxembourg et sur le confort que procurent les petits nombres.
Rencontrer la communauté face à face
« C’était une soirée très animée. Tout le monde était si heureux », raconte Benjamin à propos de l’ouverture de son nouveau bar, Letz Boys, en septembre dernier. Il estime qu’environ 300 personnes sont venues célébrer l’ouverture du nouveau et unique bar gay de la ville de Luxembourg. Benjamin pensait depuis longtemps à ouvrir ce bar. Une fois la pandémie calmée, il a réalisé son rêve et créé un nouvel endroit où la communauté peut se rencontrer et s’amuser.
Avant l’ouverture du bar, « nous n’avions pas d’endroit où nous réunir, boire un verre et nous amuser entre amis », explique Benjamin. Comparée à d’autres communautés marginalisées, la communauté LGBTIQ+ se distingue par le fait que ses membres ne grandissent généralement pas parmi des personnes qui partagent les mêmes expériences qu’eux. Tout au long de l’histoire, les bars queer ont longtemps été un moyen essentiel pour les personnes LGBTIQ+ de trouver leur communauté. Alors que le dernier bar gay de la ville de Luxembourg, le Bar Rouge, a fermé ses portes en mai 2021, Letz Boys a suscité un vif intérêt au sein de la communauté.
Benjamin, qui vit au Luxembourg depuis sept ans, sait que « nous avons une communauté avec différents sous-groupes à l’intérieur » et que ces sous-groupes ne se mélangent pas forcément bien. « Je ne sais pas pourquoi », note Benjamin, qui souhaite que son lieu soit le plus inclusif possible, mais il sait aussi que « Paris, par exemple, a beaucoup de bars différents : un pour les lesbiennes, un pour les gays, et ainsi de suite », ce qui permet à chaque « sous-groupe » de créer des espaces adaptés à ses propres besoins.
Si la plupart des commentaires sur le bar ont été positifs, Letz Boys a essuyé quelques critiques de la part des « sous-groupes » en raison de son nom. « Nous voulions un nom pour le bar qui soit compréhensible en anglais, en français et en luxembourgeois. Ce n’était pas plus compliqué que ça, mais je vois avec le recul que ça semble très centré sur les hommes gays », reconnaît Benjamin, « le bar est pour toute la communauté, nous ne sommes pas exclusivement pour les hommes gays. » L’objectif d’inclusion se reflète dans la programmation des événements, avec des soirées axées sur les femmes en collaboration avec Ladylike – Absolutely Queer et des soirées en collaboration avec l’association des étudiants LGBT+ de l’Université du Luxembourg. Letz Boys accueille régulièrement l’équipe mobile de dépistage de MST DIMPS de la Croix-Rouge luxembourgeoise.
Priorité à tout le monde sauf aux hommes cis
Alors que le Letz Boys s’efforce à rester ouvert à toustes, ce n’est pas le cas de tous les espaces LGBTIQ+ au Luxembourg. DJ Deng Mama (‘ta mère’ en luxembourgeois) a participé à des soirées queer au Luxembourg où elle n’a pas été autorisée à entrer parce qu’elle est une femme. Elle constate que l’ouverture d’esprit lui manque au Luxembourg. Son nouveau collectif Gebees Houeren (en luxembourgeois ‘putes de la confiture’) souhaite apporter cette ouverture à la scène nocturne locale – axée sur les ‘FLINTA’ (femmes, lesbiennes, personnes intersexes, non-binaires, trans et agenres) mais ouverte à toustes celleux qui apprécient une expérience de clubbing en toute sécurité. Deng Mama souligne que « ce projet est né d’un besoin d’espaces de ce type. » Gebees Houeren est un projet qui organise principalement des soirées de musique électronique axées sur les FLINTA et qui a déjà créé sept espaces temporaires plus sûrs depuis l’été dernier.
Avant Gebees Houeren, Deng Mama avait un collectif d’événements qui n’était pas axé sur les FLINTA, mais elle a rapidement remarqué que « la techno est si souvent liée à cette ambiance sombre et masculine », et elle a donc décidé de prendre une autre direction. « Peu de femmes ont leur mot à dire dans la gestion de la vie nocturne. C’est pourquoi on ne se sent pas toujours à l’aise lorsqu’on est engagée en tant que femme DJ. Et le professionnalisme n’est pas toujours au rendez-vous, surtout parce qu’il s’agit de la vie nocturne. » Cela se reflète également dans l’expérience des FLINTA qui vont au club pour s’amuser. « Beaucoup de jeunes filles du club – dont moi – ont été victimes d’abus. Personne ne veille sur elles et il n’y a aucune éducation. C’est le Far West là-dehors. » Deng Mama estime qu’il est de sa responsabilité de changer ces habitudes et de créer des espaces plus sûrs.
« C’est bien de dire que l’on est un espace sûr, mais je ne peux pas encore affirmer que nous le sommes entièrement. Nous travaillons encore avec des lieux qui n’ont jamais entendu parler de ces concepts auparavant », regrette Deng Mama. Pour assurer la sécurité à l’intérieur du club, une collaboratrice du collectif est à la porte et fait une sélection en fonction de la façon dont les fêtards réagissent aux règles. « Elle dit aux fêtards quelles sont nos règles. Nous leur expliquons qui nous sommes et comment ils doivent se comporter. C’est une communication de personne à personne. Nous voyons immédiatement comment les gens réagissent à ces règles. » Deng Mama est choquée que les gens réagissent parfois si négativement aux règles de sécurité dans les clubs. « Beaucoup d’hommes se moquent de nos règles. Et alors, c’est clair, vous ne pouvez pas entrer. » La sélection n’est pas basée sur l’orientation sexuelle, le genre, l’apparence ou d’autres facteurs, mais sur la simple acceptation des règles d’accès au club. Ces règles comprennent : le respect de l’espace personnel de chacun.e, une culture du consentement claire et une politique de tolérance zéro pour les comportements discriminatoires. Il ne s’agit pas seulement d’accepter les règles de la maison à la porte, mais aussi d’y adhérer à l’intérieur. « Si nous remarquons quelque chose ou si quelqu’un.e nous fait remarquer quelque chose, nous parlons à la personne et/ou nous la mettons à la porte en fonction de la situation. » D’après son expérience, les gens acceptent le feedback lorsqu’on leur en explique les raisons. Deng Mama note que « nous donnons la priorité à l’éducation plutôt qu’à l’exclusion. En général, nous essayons d’abord de leur parler calmement. Je ne veux pas exclure les gens, mais les éduquer. » Les organisateur.ices veulent organiser une expérience de clubbing qui soit inclusive et en même temps créatrice de changement. Gebees Houeren travaille également avec Pipapo à chacun de ses événements, une ressource cofinancée par le ministère de la santé. Pipapo informe les fêtards sur place de l’utilisation plus sûre de l’alcool et des drogues, du consentement et de la lutte contre les discriminations. « Je suis très reconnaissante à Pipapo d’exister. Bravo pour leur travail important ! Deng Mama remercie également ses collègues Gebees Houeren Maryse, Juliana (K.leo.patra), Marie (Yoni), Mara et Mariana.
Deng Mama explique sa propre fascination pour la scène techno par le fait que « toutes les facettes de votre personnalité sont mieux acceptées dans ces communautés techno et que vous pouvez mieux vous connaître. » Cette acceptation lui a permis d’expérimenter avec sa manière de s’habiller, car elle a « toujours aimé porter des tenues plutôt excentriques » – et elle n’est pas la seule à en avoir fait l’expérience. « Les gens ont été très heureux de notre projet. J’ai également remarqué que les gens commençaient à expérimenter leur style. Ce n’était pas du tout le cas lors des premières soirées. » L’objectif de Gebees Houeren est de créer une communauté en dehors de la seule vie nocturne et l’association lancera bientôt des appels à collaboration. Noé, qui utilise alternativement he et they, a trouvé sa communauté à l’étranger précisément grâce à ces espaces axés sur les FLINTA. En entendant parler de ce projet, iel a été très heureux de voir un changement se produire au Luxembourg.
À la recherche d’une communauté à l’étranger
Noé Duboutay est un.e artiste de 28 ans qui a grandi au Luxembourg, mais qui a vécu la majeure partie de sa vie adulte à Zurich et, depuis septembre de l’année dernière, à Berlin. « Ici, à Berlin, je m’entoure de personnes genderqueer et nous nous retrouvons principalement dans des espaces FLINTA ou trans. Je veux dire que nous avons un peu plus d’espaces queer ici à Berlin qu’au Luxembourg », explique Noé en riant, « c’est tellement agréable d’être parmi des gens à qui vous n’avez pas besoin d’expliquer votre identité. »
Noé souligne que les espaces queer de Zurich ne lui ont pas seulement apporté du réconfort, mais aussi une célébration explicite. Iel n’était pas encore out au Luxembourg et iel a poursuivi ses études d’art à Zurich après le lycée et le baccalauréat à Sarrebruck. « Je connaissais déjà quelques personnes queer auparavant, mais je suis allé.e à un atelier de drag à Zurich et c’était la toute première fois que je me trouvais dans un espace avec uniquement des personnes genderqueer. » Noé explique qu’il y avait beaucoup de tenues différentes, de packers (matériel à mettre dans l’entrejambe pour simuler une bosse) et de binders (un vêtement serré utilisé pour aplatir la poitrine) à cet atelier et « il n’y avait pas de honte. On vous félicitait d’avoir essayé quelque chose de nouveau et d’avoir expérimenté. » Il regrette que de nombreuses personnes queer « ne bénéficient pas de cette célébration dans le monde extérieur, il est donc très important d’en faire l’expérience au sein de la communauté. »
Néanmoins, l’appartenance à une communauté s’accompagne de certaines attentes. Noé a ressenti une certaine pression interne pour avoir une apparence visiblement trans « au début, quand j’ai fait mon coming out. C’est aussi parce que je n’étais pas sûr à ce moment-là de vouloir aller jusqu’au bout de la transition ». Il se demandait s’il voulait transitionner « à cause de ces attentes qui accompagnent le coming out d’une personne trans ou parce que c’était mon propre souhait ». La découverte d’une communauté bienveillante, qui lui a permis d’expérimenter sans honte, l’a aidé à dépasser cette anxiété.
Ce premier atelier a permis à Noé de trouver une communauté queer en entrant dans la scène drag à Zurich. « Les gens pensent parfois que nous partageons toustes les mêmes opinions, mais ce n’est pas le cas. Et je ne pense pas non plus que toustes celleux qui s’identifient comme queer devraient parler de toutes les expériences queer », affirme Noé. Selon lui, il est important de faire preuve de solidarité dans un contexte politique et de s’organiser ensemble, mais les gens doivent également rester conscients des injustices au sein de la communauté.
Il ne s’agit pas seulement d’une simple prise de conscience, mais « les gens devraient examiner attentivement ces différents privilèges avant d’agir. » Cela concerne surtout les organisateurices. Iels font, par exemple, la promotion d’une fête queer, mais l’événement ne s’adresse qu’aux hommes cis gays. Iels n’ont pas activement créé d’espace pour les autres personnes queer. » Noé estime qu’une équipe de sensibilisation et une attention particulière aux artistes FLINTA pourraient contribuer à créer des espaces qui prennent en compte l’inclusion active des personnes FLINTA, à l’image des pratiques des Gebees Houeren.
« Ces dernières années, j’ai appris à connaître de plus en plus de personnes queer au Luxembourg. Et c’est tellement agréable de voir l’endroit d’où l’on vient sous un autre jour », note l’artiste à propos de sa relation avec son pays d’origine. « C’est agréable de savoir que je ne suis pas une bizarrerie ici », mais qu’il y a des gens qui partagent les mêmes idées au Luxembourg. « En même temps, il y a beaucoup de souvenirs qui reviennent » lorsque Noé visite le pays, « vous vous souvenez de votre passé, mais vous êtes aussi la personne que vous êtes maintenant. C’est donc un mélange bizarre d’émotions. » Noé a fait l’expérience à l’étranger de ce que l’on ressent lorsqu’on vit une « vie authentiquement queer, que l’on n’aurait pas pu vivre ici au Luxembourg » et, maintenant, lorsqu’il rentre chez lui, il dit qu’il a beaucoup plus de courage pour vivre la vie qu’il souhaite ici aussi.
Noé conseille aux personnes à la recherche d’une communauté de se renseigner en ligne. Il a trouvé une communauté pour lui-même grâce à son activité de drag et en rejoignant des groupes de sport FLINTA, mais il recommande également d’assister à des groupes de rencontre. Plusieurs associations luxembourgeoises proposent des groupes de rencontre, comme le Centre LGBTIQ+ CIGALE, Rosa Lëtzebuerg et Intersex & Transgender Luxembourg a.s.b.l. Les groupes de rencontre sont des réunions de communautés spécifiques de personnes, allant de rencontres divertissantes à des groupes de soutien émotionnel. Vous trouverez une liste de tous les groupes de rencontre LGBTIQ+ sur queer.lu.
Les communautés se comprennent elles-mêmes mieux que quiconque
Le Centre LGBTIQ+ CIGALE est un bon exemple de la manière dont ces groupes de rencontre favorisent la communauté. Il accueille actuellement dix groupes de rencontre différents, allant de son plus grand groupe de rencontre, le groupe de familles arc-en-ciel, qui compte plus de 100 membres, à son plus petit groupe, le groupe de rencontre consacré à l’asexualité. « Notre nom complet est Le Centre des communautés lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexes et queer+). Depuis la création de notre centre en 2002, nous avons abordé les personnes LGBTIQ+ comme des personnes issues de communautés multiples », explique Didier Schneider, directeur du CIGALE. Le travail du CIGALE est basé sur la pair-aidance, l’empouvoirement, l’éducation et le renforcement de la communauté, mais aussi sur le fait « d’offrir aux gens un espace pour expérimenter différentes façons de vivre », explique Didier.
Le CIGALE définit la communauté comme « un groupe de personnes qui partagent fondamentalement un ou plusieurs objectifs. » En se penchant sur l’histoire, Didier explique que les homosexuels ont pu avoir des objectifs similaires au sein du mouvement de libération gay dans le passé, alors qu’ils luttaient pour leurs droits existentiels, « mais aujourd’hui, notre société a beaucoup évolué et tous nos intérêts ne sont plus alignés. Par exemple, si vous me prenez : J’ai 50 ans, je suis marié et j’ai un enfant. Je veux m’intégrer, je veux simplement être inclus dans notre société. Et si vous prenez quelqu’un d’autre : une personne trans de 20 ans qui doit se battre pour ses droits, qui subit une forte discrimination et qui peut aussi vivre dans la pauvreté », compare Didier, « où leurs intérêts ou leurs besoins se recoupent-ils ? Ce n’est qu’un exemple, mais les expériences vécues par les personnes LGBTIQ+ sont souvent très différentes. » Ces différences requièrent des approches différentes pour chaque groupe accueilli par le CIGALE, et ce en impliquant les membres eux-mêmes.
La plupart de ces groupes se sont constitués de manière autonome. Des membres des communautés spécifiques ont demandé à pouvoir se réunir au CIGALE. D’autres groupes, comme le groupe de réfugié.es queer, ont été créés par leur équipe. Didier souligne que « nous ne parlons pas au nom de ces groupes, ils parlent pour eux-mêmes. Nous voulons réduire autant que possible la dynamique descendante. » Indépendamment de la manière dont le groupe de rencontre a été créé, le CIGALE souhaite encourager l’autonomie et l’autodétermination. Concrètement, cela signifie que chaque groupe est dirigé par un.e coordinateur.ice issu.e de la communauté concernée et que ce.tte coordinateur.ice dispose d’une place réservée au sein du conseil d’administration du CIGALE. Selon le groupe concerné, les cinq employé.es à temps partiel du CIGALE aident plus ou moins le.la coordinateur.ice dans ses tâches, car les coordinateur.ices travaillent bénévolement. En siégeant au conseil d’administration, chaque coordinateur.ice a son mot à dire sur l’orientation générale du CIGALE, et Didier, en tant que directeur de l’association, doit leur rendre des comptes et justifier les activités du centre. Leur approche semble clairement liée à l’opinion personnelle de Noé sur la question.
Didier insiste sur le fait que, bien qu’il existe différentes communautés, « nous devons unir ces différentes communautés afin d’obtenir la meilleure influence politique possible. Les personnes LGBTIQ+ ne font pas toutes partie de la même communauté par définition, mais nous devrions nous unir pour faire pression afin que des lois et des politiques spécifiques soient modifiées, même si cela ne vous affecte pas directement. » Il souligne que cette idée de convergence devient évidente à travers leur groupe de rencontre, les Uniqueers. « C’est là que tout le monde se réunit et se rencontre dans le cadre d’activités conviviales. Cette communauté unique n’existe pas en tant que telle selon notre définition, mais nous la faisons exister en rassemblant toutes ces communautés. Nous pensons la communauté LGBTIQ+ comme une fiction politique nécessaire. » Pour revenir à l’exemple mentionné plus haut, « si vous dites à une jeune fille de 20 ans qu’elle fait partie de la même communauté qu’un homosexuel de 60 ans, elle ne sera peut-être pas d’accord, mais si vous reconnaissez leurs différences, vous pourrez trouver un terrain d’entente entre les deux et créer de nouvelles synergies. »
Le succès de l’approche du CIGALE peut être illustré par un exemple. Didier raconte qu’une femme transgenre a demandé de l’aide à son équipe. Comme elle ne pouvait pas exprimer sa féminité à la maison parce qu’elle n’avait pas encore fait son coming-out auprès de ses enfants et de sa partenaire, « elle a rencontré l’une de nos travailleuses sociales. Après quelques entretiens, elle a déclaré qu’elle était prête à essayer de se présenter de manière un peu plus féminine. » Après d’autres rencontres avec la travailleuse sociale, « elle a dit qu’elle était prête à se montrer en public avec son nouveau look. » Elle a d’abord rejoint les Lilies, un groupe de rencontre pour les personnes qui font un coming out tardif, puis les Uniqueers. « Ce jour-là, il y avait 70 personnes à la réunion des Uniqueers – pas seulement des Lilies ou des personnes transgenres, mais tout le monde. Elle nous a dit que c’était le plus beau jour de sa vie. Aujourd’hui, en compagnie des membres du groupe Lilies, elle sort et va au restaurant. La communauté des Lilies s’efforce de rendre les choses aussi sûres et confortables que possible pour elle ». Elle a trouvé sa communauté au CIGALE.
Les groupes de rencontre du CIGALE sont également en contact avec les groupes de rencontre organisés par Rosa Lëtzebuerg et le Rainbow Center. En tant que plus ancienne association LGBTIQ+ au Luxembourg, Rosa est l’organisatrice de la Pride Week au Luxembourg, organise des événements socioculturels et gère le Rainbow Center, le centre pour la culture queer au Grand-Duché et dans la Grande Région, avec un financement gouvernemental du ministère de l’Égalité des Genres et de la Diversité. Le Rainbow Center a été inauguré en 2023 et abrite le magazine queer.lu. Comme le CIGALE, tous les groupes de rencontre de Rosa fonctionnent sur la base de l’autodétermination.
Les participant.es aux groupes de rencontre ont toutefois été confus.es quant aux offres du CIGALE et de Rosa. Par exemple, Rosa accueille un groupe de rencontre pour les personnes LGBTIQ+ croyantes depuis 2009. Le CIGALE a créé le sien cette année, à la demande de ses membres. Andy Maar, membre du conseil d’administration de Rosa, a remarqué que certains membres du groupe de rencontre des personnes croyantes de Rosa ne comprenaient pas ce que la création du groupe du CIGALE signifierait pour le leur. C’est pourquoi le CIGALE et Rosa se sont réunis en mars dernier pour discuter de la meilleure façon de compléter leurs offres. En conclusion, les deux organisations ont convenu que les groupes de rencontre du CIGALE se concentraient sur le travail que l’on pourrait résumer par le terme « socio-pédagogique », c’est-à-dire le soutien et l’éducation entre pairs. L’offre de Rosa est axée sur le politique et le socioculturel, par exemple les commissions politiques et les rencontres plus ludiques. Les deux organisations visent également à rediriger les gens l’une vers l’autre en fonction de ce que les membres de la communauté recherchent.
Représenter la Pride
La création de synergies entre les différentes organisations et groupes de la communauté est également une mission clé de Rosa lors de l’organisation de la Pride. « La première Pride au Luxembourg n’avait que des activités organisées par Rosa. Lors de la dernière Pride, nous avons eu 24 événements différents organisés par des partenaires », explique Andy. Tout organisateur peut contacter Rosa et demander à faire partie des programmes officiels de la Pride. « Nous voulons que ces événements ne se déroulent pas seulement en parallèle, mais ensemble. » C’est d’autant plus important pour Andy qu’il sait qu’il existe différentes communautés sous l’égide des LGBTIQ+ et que leur équipe dévouée, composée uniquement de bénévoles, s’efforce de rassembler la florissante communauté luxembourgeoise. « Plus ces différentes communautés travaillent ensemble, meilleurs sont les échanges entre elles », déclare Andy, faisant écho à la mission déclarée du CIGALE à l’égard de la communauté.
Si Rosa est consciente des différentes dynamiques au sein de la communauté luxembourgeoise, Andy souligne un autre aspect important : la langue. Bien que l’équipe de Rosa et du Rainbow Center promeuvent activement des événements en allemand, en français et en anglais pour impliquer les divers résident.es du Grand-Duché, il existe des défis occasionnels. Andy raconte par exemple une anecdote : « Nous avons récemment organisé une rencontre « ‘Kaffi a Kuch’ (café et gâteau), dont la promotion a été faite principalement en anglais et qui, étonnamment, a surtout attiré des expatrié.es. « Au fil des années, Rosa a reçu des commentaires de membres de longue date suggérant que le français et le luxembourgeois leur étaient plus accessibles. Lorsqu’on aborde la question de la dynamique des communautés au Luxembourg, il est essentiel de prendre en compte le rôle de la langue.
En tant qu’association mais aussi en tant qu’organisateur de la Pride, Andy souligne que Rosa a toujours eu une politique de portes ouvertes au Rainbow Center et une boîte aux lettres électronique ouverte à toustes celleux qui souhaitent s’impliquer, « afin que personne ne se sente exclu. » Il explique qu’il est difficile de représenter la communauté ou le sous-groupe de chacun.e si les membres de ces communautés ne s’impliquent pas elleux-mêmes. Dans le passé, Rosa a essuyé des critiques parce qu’elle était perçue comme une « organisation de gays cis blancs ». Cependant, Andy souligne que cette perception n’est pas vraie. Il souligne la diversité de la composition du conseil d’administration, du groupe Pink Ladies au sein de Rosa, ainsi que la présence croissante de personnes intersexes et transgenres. Bien que nombre de ces membres préfèrent préserver leur vie privée, iels participent activement aux réunions de groupe organisées au Rainbow Center. Il insiste sur le fait que l’objectif principal de Rosa est de favoriser la diversité et l’inclusion grâce à la programmation élargie du Rainbow Center tout au long de l’année, en déclarant : « Maintenant que nous avons un espace pour nous réunir, il est essentiel que nous l’utilisions pleinement ! Si vous souhaitez organiser un événement lié aux sujets LGBTIQ+, n’hésitez pas à contacter le Rainbow Center pour obtenir de l’aide.
Le travail de communauté, c’est du travail
queer.lu a contacté l’association Intersex & Transgender Luxembourg a.s.b.l., l’ITGL, pour connaître sa position sur la dynamique de la communauté au Luxembourg. Bien que l’ITGL ait été enthousiasmé par le sujet, elle n’a malheureusement pas été en mesure de répondre en raison de ses ressources limitées à l’époque. L’ITGL offre un soutien de pair à pair, un soutien aux proches, un travail de sensibilisation, des formations sur le lieu de travail et fait du lobbying politique.
Les militant.es et les membres de la communauté sont souvent confronté.es à ce défi récurrent de l’insuffisance des ressources et du manque de soutien financier. Les tâches administratives de Gebees Houeren sont entièrement assurées de manière bénévole, et il en va de même pour les coordinateur.ices de groupe du CIGALE. De même, les membres du conseil d’administration de Rosa Lëtzebuerg ainsi que l’ensemble de leurs plus de 30 bénévoles consacrent leur temps bénévolement, tout comme l’équipe de l’ITGL.
Au-delà de l’arc-en-ciel
Le Luxembourg possède une mosaïque diversifiée de différentes communautés LGBTIQ+ qui semblent se rassembler pour différentes raisons et dans différents espaces. Si toutes les personnes LGBTIQ+ ne se considèrent pas comme faisant partie d’une communauté, comme certaines personnes l’ont dit à queer.lu lors de notre recherche, d’autres comptent fortement sur leurs pairs pour trouver du réconfort ou simplement pour passer un bon moment. Il est à noter qu’il existe plusieurs groupes de rencontre au Luxembourg avec une orientation communautaire similaire. Si tous les groupes de rencontre fonctionnent avec une autodétermination totale des participant.es, certains se concentrent sur des moments de recontre ludiques et d’autres plutôt sur le soutien entre pairs. Andy Maar estime qu’il existe « une nouvelle dynamique au sein de la communauté » en raison des nombreuses offres nouvelles ou mieux communiquées disponibles dans notre petit Grand-Duché. Si les personnes LGBTIQ+ naviguent entre une solidarité politique ouverte et un confort discret, toutes les personnes interrogées conviennent que des progrès sont encore nécessaires et qu’une communauté forte est une première étape pour accélérer ce changement.
Photo: Pit Reding